Gandhi - La voie de la non-violence

Ce texte est extrait de Tous les hommes sont frres

(Folio essais n 130).

L'dition en franais de ces pages de Gandhi a t ralise grce l'aide de la Commission franaise

pour l'U.N.E.S.C.O. en accord avec l'organisation

des Nations Unies pour l'ducation, la Science et la Culture

et avec l'autorisation de la fondation indienne

Navajivan Trust.

Titre original:

ALL MEN ARE BROTHERS

U.N.E.S.C.O., 1958.

Commission franaise pour l'U.N.E.S.C.O., 1969, pour la traduction franaise.

Mohandas Karamchand Gandhi (Porbandar, 1869-Delhi, 1948), n dans une famille aise, fit ses tudes Ahmadabad puis Londres, o il devint avocat. Il exera d'abord Bombay, puis en Afrique du Sud, o il se fit le dfenseur des Indiens contre la politique d'apartheid (1893). De retour en Inde, il mena une vigoureuse campagne anti-anglaise: il prcha le boycott des produits imports d'Angleterre, demandant chaque Indien de filer et tisser ses propres vtements. Il fut plusieurs fois emprisonn pour dsobissance civile. Fervent avocat de la doctrine de l'ahims [6] (non-violence active) et de l'galit des droits entre les hommes, il rclama la rhabilitation des intouchables. Son influence politique fut trs grande sur le Parti du Congrs. Emprisonn pendant la guerre (1942-1944), il participa nanmoins aux ngociations pour l'indpendance de l'Inde (15 aot 1947). Il fut assassin le 30 janvier 1948. On lui donne souvent le titre de Mahatma (grande me).

Dcouvrez, lisez ou relisez l'uvre de Gandhi:

tous les hommes sont frres (Folio essais n 130)

Ce n 'est pas tous les jours qu'on voit natre un grand matre. Plusieurs sicles peuvent s'couler sans assister l'avnement d'un seul. C'est sa vie qui nous le fait connatre. Car, tout d'abord, il vit, et ensuite, il dit aux autres comment il leur est possible de vivre de la mme manire. Gandhi fut l'un de ces matres.

La vie de Gandhi a ses racines dans la tradition religieuse de l'Inde, en faisant porter l'accent sur une recherche passionne de la vrit, un profond respect de la vie, un idal de dtachement, et en se montrant dispos tout sacrifier la connaissance de Dieu. Chaque instant de sa vie a t marqu par cette qute de la vrit: Ma vie, mes actes et mon tre tendent la recherche de ce but.

La religion de Gandhi avait un fondement rationnel et thique. Il n 'aurait pas accept une croyance qui ne fit point appel sa raison ni une injonction qui ne s'impost point sa conscience.

Si nous croyons en Dieu, non seulement avec notre intellect, mais de tout notre tre, nous aurons cur d'aimer toute l'humanit sans distinction de race ou de classe, de nation ou de religion. Nous travaillerons ds lors pour l'unit des hommes. Toutes mes actions ont leur source dans mon amour inaltrable pour l'humanit. Je n'ai connu aucune distinction entre parents et inconnus, entre compatriotes et trangers, entre blancs et hommes de couleur, entre hindous et Indiens appartenant d'autres confessions, qu'ils soient musulmans, Parsis, chrtiens ou juifs. Je peux dire que mon cur a t incapable dfaire de telles distinctions. Grce une longue discipline et la prire, depuis plus de quarante ans j'ai cess de ressentir de l'inimiti pour qui que ce soit. Tous les hommes sont frres et aucun tre humain ne devrait nous tre tranger.

Ce point de vue conduit naturellement l'adoption de la non-violence comme le meilleur moyen de rsoudre tous les problmes d'ordre national et international. Gandhi affirmait n'avoir rien d'un visionnaire, mais il disait tre un idaliste pratique. La non-violence n 'est pas seulement l'apanage des saints et des sages mais aussi bien de tous les autres hommes. La non-violence est la loi de notre espce, comme la violence est la loi de la brute. L'esprit somnole chez la brute qui ne connat pour toute loi que cette de la force physique. La dignit de l'homme exige d'obir une loi suprieure: la force de l'esprit.

Dans l'histoire de l'humanit, Gandhi est le premier avoir tendu le principe de la non-violence du plan individuel au plan social et politique. Il s'est ml de politique prcisment pour connatre les possibilits de la non-violence et tablir sa validit.

S. RADHAKRISHNAN.

New Delhi, 15 aot 1958.

Les abrviations mentionnes ci-dessous correspondent aux ouvrages dont les extraits ont permis de composer le prsent volume:

AMG An autobiography or the story of my exprimente with Truth, par M. K Gandhi, publi par Navajivan Publishing House, Ahmedabad. La premire dition comprend deux volumes parus successivement en 1927 et 1939. Nous nous sommes rfrs l'dition d'aot 1948.

MGP Mahatma Gandhi, the last phase, par Pyarelal. (Navajivan Publishing House, Ahmedabad. En 2 volumes, successivement fvrier 1956 et fvrier 1958.)

MT Mahatma, life of Mohandas Karamchand Gandhi, par D. G. Tendulkar. Publi par Vithalbhai K. Jhaveri & D. G. Tendulkar, Bombay 6, en 8 volumes. Vol. I en aot 1951, vol. II en dcembre 1951. Vol. III en mars 1952, vol. IV en juillet 1952. Vol. V en octobre 1952. Vol. VI en mars 1953. Vol. VII en aot 1953. Vol. VIII en janvier 1954.

CWMG The collected works of Mahatma Gandhi. Publi par The Publications Division, Ministry of Information and Broadcasting, Government of India, New Delhi; le vol. I a paru en janvier 1958.

MM The mind of Mahatma Gandhi, compil par R. K. Prabhu et U. R. Rao. Publi par Oxford University Press, Londres, en mars 1945.

SB Slections front Gandhi, par Nirmal Kumar Bose. Publi par Navajivan Publishing House, Ahme-dabad, en 1948.

Je n'ai pas l'intention d'entreprendre ici une vritable autobiographie. Je voudrais simplement raconter l'histoire de mes nombreuses expriences avec la vrit; et comme elles se confondent avec ma vie, il est vrai que ce rcit aura la forme d'une autobiographie. Mais c'est de propos dlibr si les pages qui suivent n'ont trait qu' ces expriences. (AMG, 4.)

Mes expriences dans le domaine politique sont prsent connues non seulement de l'Inde mais, dans une certaine mesure aussi, du monde civilis. mes yeux, elles n'ont pas une grande valeur. Et de ce fait, j'en accorde encore moins au titre qu'elles m'ont valu: celui de Mahatma. Souvent j'ai vivement regrett qu'on m'appelt ainsi; et je ne me souviens pas d'un seul instant o l'on peut dire que cela m'ait flatt. En revanche, c'est avec une joie certaine que je parlerai de mes expriences d'ordre spirituel. Je suis seul les connatre et c'est d'elles que m'est venue l'nergie qui m'anime dans l'action politique. Il n'y a pas lieu de se glorifier de ces expriences dans la mesure o elles sont de nature vraiment spirituelle. Elles ne peuvent qu'ajouter mon humilit; car plus je mdite sur mon pass, plus je vois nettement mes limites. (AMG, 4.)