Gustave Flaubert - Complete Works of Gustave Flaubert

THE COMPLETE WORKS OF

GUSTAVE FLAUBERT

(1821-1880)

Contents

Delphi Classics 2012

Version 1

THE COMPLETE WORKS OF

GUSTAVE FLAUBERT

The Novels

The birthplace of Gustave Flaubert, Rouen

Flauberts birth certificate

Flaubert by Eugne Giraud, 1880

MEMOIRS OF A MADMAN

This autobiographical short novel was written in 1838, but only first published in La Revue Blanche from December 1900 to February 1901, over twenty years after Flaubert's death. The novel alternates between the narrator's musings on the present and his memories of the past. In the sections that deal with the present, the narrator takes a bleak outlook on life, discussing writing, sanity, and death.

Unfortunately this novel has only been translated in recent years and so cannot appear in the collection. However, a free non-profit making translation is available to read via this weblink . The original French text follows this introduction.

A contemporary caricature of the great writer

MMOIRES DUN FOU

TABLE DES MATIRES

toi mon cher Alfred

ces pages sont ddies et donnes.

Elles renferment une me tout entire. Est-ce la mienne ? est-ce celle dun autre ? Javais dabord voulu faire un roman intime, o le scepticisme serait pouss jusquaux dernires bornes du dsespoir ; mais peu peu, en crivant, limpression personnelle pera travers la fable, lme remua la plume et lcrasa.

Jaime donc mieux laisser cela dans le mystre des conjectures ; pour toi, tu nen feras pas.

Seulement tu croiras peut-tre, en bien des endroits, que lexpression est force et le tableau assombri plaisir ; rappelle-toi que cest un fou qui a crit ces pages, et, si le mot parat souvent surpasser le sentiment quil exprime, cest que, ailleurs, il a flchi sous le poids du cur.

Adieu, pense moi et pour moi.

I

Pourquoi crire ces pages ? quoi sont-elles bonnes ? Quen sais-je moi-mme ? Cela est assez sot, mon gr, daller demander aux hommes le motif de leurs actions et de leurs crits. Savez-vous vous-mme pourquoi vous avez ouvert les misrables feuilles que la main dun fou va tracer ?

Un fou ! cela fait horreur. Qutes-vous, vous lecteur ? Dans quelle catgorie te ranges-tu, dans celle des sots ou celle des fous ? Si lon te donnait choisir, ta vanit prfrerait encore la dernire condition. Oui, encore une fois, quoi est-il bon, je le demande en vrit, un livre qui nest ni instructif, ni amusant ni chimique ni philosophique ni agricultural ni lgiaque, un livre qui ne donne aucune recette ni pour les moutons ni pour les puces, qui ne parle ni des chemins de fer, ni de la Bourse, ni des replis intimes du cur humain, ni des habits moyen ge, ni de Dieu, ni du diable, mais qui parle dun fou, cest--dire, le monde, ce grand idiot, qui tourne depuis tant de sicles dans lespace sans faire un pas, et qui hurle, et qui bave et qui se dchire lui-mme ?

Je ne sais pas plus que vous ce que vous allez lire, car ce nest point un roman ni un drame avec un plan fixe, ou une seule ide prmdite, avec des jalons pour faire serpenter la pense dans des alles tires au cordeau.

Seulement je vais mettre sur le papier tout ce qui me viendra la tte, mes ides avec mes souvenirs, mes impressions, mes rves, mes caprices, tout ce qui passe dans la pense et dans lme ; du rire et des pleurs, du blanc et du noir, des sanglots partis dabord du cur et tals comme de la pte dans des priodes sonores, et des larmes dlayes dans des mtaphores romantiques. Il me pse cependant penser que je vais craser le bec un paquet de plumes, que je vais user une bouteille dencre, que je vais ennuyer le lecteur et mennuyer moi-mme ; jai tellement pris lhabitude du rire et du scepticisme, quon y trouvera, depuis le commencement jusqu la fin une plaisanterie perptuelle, et les gens qui aiment rire pourront la fin rire de lauteur et deux-mmes.

On y verra comment il faut croire au plan de lunivers, aux devoirs moraux de lhomme, la vertu et la philanthropie, mot que jai envie de faire inscrire sur mes bottes, quand jen aurai, afin que tout le monde puisse le lire et lapprendre par cur, les corps les plus petits, les plus rampants, les plus prs du ruisseau.

On aurait tort de voir dans ceci autre chose que les rcrations dun pauvre fou ! Un fou !

Et vous, lecteur, vous venez peut-tre de vous marier ou de payer vos dettes ?

II

Je vais donc crire lhistoire de ma vie. Quelle vie ! Mais ai-je vcu ? je suis jeune, jai le visage sans ride et le cur sans passion. Oh ! comme elle fut calme, comme elle parat douce et heureuse, tranquille et pure. Oh ! oui, paisible et silencieuse comme un tombeau dont lme serait le cadavre.

peine ai-je vcu : je nai point connu le monde, cest--dire je nai point de matresses, de flatteurs, de domestiques, dquipages ; je ne suis pas entr, comme on dit, dans la socit, car elle ma paru toujours fausse et sonore et couverte de clinquant, ennuyeuse et guinde.

Or, ma vie, ce ne sont pas des faits ; ma vie, cest une pense.

Quelle est donc cette pense qui mamne maintenant, lge o tout le monde sourit, se trouve heureux, o lon se marie, o lon aime ; lge o tant dautres senivrent de toutes les amours et de toutes les gloires, alors que tant de lumires brillent et que les verres sont remplis au festin, me trouver seul et nu, froid toute inspiration, toute posie, me sentant mourir et riant cruellement de ma lente agonie, comme cet picurien qui se fit ouvrir les veines, se baigna dans un bain parfum et mourut en riant, comme un homme qui sort ivre dune orgie qui la fatigu ?

Oh ! comme elle fut longue cette pense ! Comme une hydre, elle me dvora sous toutes ses faces. Pense de deuil et damertume, pense de bouffon qui pleure, pense de philosophe qui mdite

Oh ! oui ! combien dheures se sont coules dans ma vie, longues et monotones, penser, douter ! combien de journes dhiver la tte baisse devant mes tisons blanchis aux ples reflets du soleil couchant, combien de soires dt par les champs au crpuscule regarder les nuages senfuir et se dployer, les bls se plier sous la brise, entendre les bois frmir et couter la nature qui soupire dans les nuits !

Oh ! comme mon enfance fut rveuse, comme jtais un pauvre fou sans ides fixes, sans opinions positives ! Je regardais leau couler entre les massifs darbres qui penchent leur chevelure de feuilles et laissent tomber des fleurs, je contemplais de dedans mon berceau la lune sur son fond dazur qui clairait ma chambre et dessinait des formes tranges sur les murailles ; javais des extases devant un beau soleil ou une matine de printemps avec son brouillard blanc, ses arbres fleuris, ses marguerites en fleurs.