PETER RANDA
LE GRAND CRISTAL
DE TERK
COLLECTION
ANTICIPATION
EDITIONS FLEUVE NOIR
69, Boulevard Saint-Marcel PARIS-XIIIe
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1972 Editions Fleuve Noir , Paris. Reproductionet traduction, mme partielles, interdites. Tous droits rservs pour tous pays,y compris lU. R. S. S. et les pays Scandinaves.
PROLOGUE
A mon rveil, lorsque je suis sorti dhibernation, jaiconsult le plan de vol de ma nacelle de survie Elle a franchi six centdix-huit parsecs Jai plong plus loin que nimporte quel tre humain aumilieu dune galaxie inconnue et il me reste sans doute peu de chance de revoirun jour ma plante natale.
Terre 0.
Personne, ma connaissance, na jamais franchi uneaussi longue distance en tat dhibernation et jignore absolument le temps quecela ma pris, compte tenu du fait que les nacelles de survie ne se mettentjamais en survitesse.
Pour le savoir, il faudrait que je confie unordinateur la bande denregistrement de mon pilote automatique, mais je naipas dordinateur.
Six cent dix-huit parsecs ! Tout ce que cettedistance a de fabuleux me donne le frisson. Ma nacelle a d tre lance sur unetrajectoire maudite. Six cent dix-huit parsecs sans rencontrer de plantehabitable. Jai d ncessairement frler dinnombrables fois des zones de salut,mais juste dun peu trop loin.
Et maintenant ?
Maintenant, je suis proximit dune plante o lavie sera possible pour moi. Je suis mme peut-tre dj en orbite autour decette plante, mais je nai pas le courage de men assurer.
Jai le sentiment dtre trs vieux Mortellement vieuxPeut-tre parce que ma barbe a pouss et que je lai sentie sous mes doigtslorsque jai touch mon menton.
Pourtant, cest une barbe drue et mon visage nest pasrid. a nempche pas que je suis sans force, veule Dsabus, au bout de monrouleau Prt me laisser mourir alors que je viens de ressusciter du fond desges.
Avec une peine infinie, je tends le bras pouratteindre un des tiroirs de mon tableau de bord plac juste hauteur de matte et sur le ct droit de ma couchette.
Normalement, il devrait contenir des pilules vitalisantesNormalement, mais ont-elles encore le moindre pouvoir aprs un voyage de sixcent dix-huit parsecs ?
Voil ! Ma main ramne un tube de matireplastique. Il parat intact. Jen fais sauter la capsule. Les phrases du manuelde survie quon ma fait apprendre par cur pendant mon entranement mereviennent automatiquement la mmoire.
Pas plus de deux pilules la fois et pas plusde deux pilules toutes les heures.
a ne doit tre valable que si on les prend dans desconditions normales. Je suis tent davaler tout le tube dun seul coup tant mafaiblesse est extrme, mais, la dernire seconde, je prfre respecter lesinstructions du manuel.
Je pourrai toujours prendre une dose massive si je nobtienspas de rsultat. Je navale donc que deux pilules. Elles sont minuscules, moinsgrosses que des grains de riz ou de bl. De plus, elles nont aucun got. Jeles dglutis pniblement car ma gorge est sche, presque rpeuse. Jai soiftout coup. Une soif effrayante, mais il ny a aucune boisson dans ma capsulede survie.
Juste ces pilules vitalisantes qui ne doivent plusreceler la moindre nergie. Si Jai soudain limpression que mon sang se remet couler dans mes veines, bouillonner mme, et le feu me monte aux joues. Jenai plus soif et je retrouve ma lucidit.
Dun seul coup Il me faut quelques instants pour leraliser, puis je me mets rire. Jclate de rire. Un rire qui me secoue toutentier car je suis sauv Sauv.
Je me revois soudain bord du Flacourt lorsquila t touch de plein fouet par une fuse dsintgrante. Ce nest pas vieux Ily a une heure peine.
Une heure ! Je me trouvais dans ma cabine. Unhasard qui ma sauv la vie car a a t une question de secondes. Par miracle,jai russi ouvrir ma nacelle de survie du premier coup et jai pu me glisserdedans pendant que tout craquait autour de moi.
Par miracle, oui Jtais moiti assomm par un chocbrutal lorsque jai appuy sur le bouton dexpulsion.
Tout me revient Des images dune prcision effrayante.Je me revois dans lespace au milieu du dchanement de la bataille Sur moncran de visibilit extrieure, jai aperu une dernire fois le Flacourten train de souvrir comme un fruit trop mr.
Jai vu aussi les deux vaisseaux de la Confdrationqui nous avaient attaqus Je sais qui a gagn cette bataille de Roprta , mais je me demande qui a finalement gagn cetteguerre.
La Confdration ou lEmpire ? a ne doit plusavoir dimportance, aujourdhui.
Durant combien de temps ai-je err dans lespace pourparcourir six cent dix-huit parsecs ? Mme si je retournais sur Terre O, jeny reconnatrais plus rien. Jaurais affaire des gens qui me seraient aussitrangers que les pires sauvages d Anctana ou dOrson.
Je pousse un soupir. Jai une nouvelle vie devant moiUne vie qui sera sans rapport avec lancienne. Je nai plus rien de commun avecqui que ce soit. Je commence. Cest un peu comme si je venais de natre.
Comme si javais un jour et un acquis atavique qui neme servira sans doute rien.
Dun coup de reins, je me retourne sur ma couchettepour faire face au tableau de bord de la nacelle dont je branche lcran devisibilit extrieure.
Tout fonctionne encore. Je nen reviens pas dautantplus quil sagissait dune nacelle exprimentale double cabine. Six mtresde haut pour deux de large.
Sur mon cran, une plante ! Une boulemonumentale lgrement aplatie aux ples. Au fond, cest peut-tre Terre O ?Pourquoi ny serais-je pas revenu aprs un priple de six cent dix-huit parsecs ?
Si cest le cas, elle a bien chang, la Terre. Elle naplus que deux continents, stirant tous les deux de lquateur vers les ples.Deux continents spars par un minuscule dtroit Enfin, minuscule vu do jesuis.
Je consulte mes cadrans de dtection. Plante de typeTerre : trois quarts docans pour un quart de terres merges, civilisationavance, quelques dserts, trs peu de jungles et de savanes, des villesimportantes.
Civilisation avance ! Mauvais, cela. Lesciviliss sont toujours mfiants et peu respectueux des principes sur lesquelsils tablissent leur morale.
Il faudra que je sois prudent, trs prudent. Dautantplus que je ne dispose que dun armement rudimentaire : un pistolet balles, une mitraillette et un paralysateur.
Je me redresse pour ouvrir le coffre spcial. Leparalysateur est l, le pistolet et la mitraillette aussi et ce nest pas tout.Je dcouvre galement un assimilateur de penses et la petite bote carre duncompensateur de gravit.
a, je ne my attendais vraiment pas car il sagit dedeux techniques qui viennent tout juste dtre mises au point. Pour moi, car, enralit, il y a dinnombrables sicles que cela sest produit, dinnombrablesmillnaires mme.
Mon ventre se serre, exactement comme si jtais prisde vertige en me penchant par dessus un gouffre. Il y a un peu de cela dans masituation
Un assimilateur de penses ! a me donne uneide : au lieu de me prsenter sur cette plante inconnue comme un Terrienrescap dune lointaine bataille, je pourrais peut-tre essayer de me fondredans la population. A condition que mon apparence physique ne soit pas tropdiffrente de celle des hommes que jy trouverai. Il faudra voir. Si je peuxpasser pour un indigne, je jouerai les amnsiques sur certains points.
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